Refus de visa à l’Association canadienne des études africaines
Le 29 août 2018. L’Association canadienne des études africaines (ACÉA) ajoute sa voix à l’attention médiatique récemment portée au dysfonctionnement du système canadien pour l’accord de visas aux chercheurs internationaux. Chaque année, l’ACÉA organise un congrès dans une université canadienne différente. Le congrès de 2018 à Queen’s University a été un grand succès. Pourtant, à chaque année, des chercheurs africains se voient refuser un visa pour entrer au Canada. En 2018, dix personnes, d’Afrique du Sud (1), Éthiopie (4), Cameroun (2) et Togo (1) se sont vues refuser un visa. Six étudiants africains de deuxième et troisième cycle se sont vus refuser des visas en 2017 (deux en France, deux aux Etats-Unis, un en Allemagne et un en Autriche).
Pour que les chercheurs basés au Canada participent à la production collaborative de connaissances sur l’Afrique, nous devons favoriser la participation de collègues basés en Afrique à nos congrès. La perspective des chercheurs basés en Afrique, ainsi que leur proximité avec le terrain et les données empiriques, enrichissent notre recherche. Le gouvernement Trudeau a décidé de renouveler la participation active du Canada sur la scène internationale, notamment en envoyant le premier contingent du « retour aux opérations de maintien de la paix » en Afrique. En préparation au déploiement des forces canadiennes au Mali, des représentants du gouvernement ont assisté au congrès de l’ACÉA à Queen’s afin d’améliorer leurs connaissances des terrains africains, ce qui met en évidence la pertinence des congrès de l’ACÉA pour appuyer les politiques canadiennes en Afrique. Pourtant, des chercheurs qui travaillent sur des questions telles que les attaques terroristes au Nigéria et les développements politiques au Zimbabwe sont parmi ceux qui se sont vus refuser des visas. Le gouvernement canadien a besoin de l’expertise de chercheurs africains pour que ses nouvelles opérations en Afrique réussissent; il est essentiel que ces chercheurs visitent le Canada. Le Canada fournit également une assistance au développement à de nombreux pays africains; des chercheurs basés en Afrique présentent souvent des communications sur des questions de développement africain lors des congrès de l’ACÉA et leurs contributions sont inestimables.
Plusieurs chercheurs ont donné leur accord pour partager des témoignages sur l’impact professionnel et financier des refus de visa. La demande d’un doctorant du Zimbabwe qui étudie à North-West University en Afrique du Sud a été rejetée en 2018 en raison de ses antécédents de voyage. L’étudiant a présenté une nouvelle demande, précisant qu’il se trouvait légalement en Afrique du Sud avec un permis d’études, mais a été de nouveau rejeté. Ce doctorant a payé 1000 rands sud-africains pour chaque demande. Un étudiant togolais à Selçuk University en Turquie, a fait une demande de visa en 2018. La raison fournie pour refuser son visa était la crainte qu’il ne quitte pas le Canada. Pourtant, il a voyagé dans plusieurs pays et a quitté ces pays dans les délais prévus. En tant que doctorant et récipiendaire d’une bourse de l’État turc, il possède une carte de séjour turque. Il a également fourni un relevé de compte bancaire indiquant un solde dépassant le montant nécessaire pour son séjour. Il a payé 100 dollars canadiens pour les frais de visa. Sakine Ramat Grena est citoyen tchadien. En 2016, Sakine a dépensé environ 600 dollars canadiens pour sa demande de visa, qui n’inclut pas le voyage du Tchad au Cameroun. Un ami à l’Université de Montréal avait réservé l’hébergement pour Sakine. Pourtant, un visa lui a été refusé en raison de fonds insuffisants. En 2017 Sakine a choisi de voyager en France plutôt qu’au Canada pour un congrès international.
Ces obstacles ont déjà commencé à décourager des chercheurs africains de visiter le Canada. Le Canada a pour mission de devenir chef de file dans l’économie mondiale de l’information. Le CRSH et la Société royale du Canada comprennent que pour atteindre cet objectif, nous devons encourager la diffusion des connaissances et la collaboration internationale entre les chercheurs basés au Canada et ceux à l’étranger. La délivrance de visas est un petit pas pour permettre un plus grand échange international entre chercheurs en études africaines, afin d’avoir un impact important sur la promotion des connaissances sur l’Afrique au Canada.
L’ACÉA exhorte les autorités canadiennes, en particulier L’honorable Ahmed D. Hussen, Ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté et l’honorable Marie-Claude Bibeau, Ministre du Développement international, à mieux prendre en compte ces questions. Nous encourageons Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada à mener un processus de consultation en convoquant un groupe de travail réunissant des organismes scientifiques et à but non lucratif canadiens qui invitent régulièrement des invités d’Afrique et d’autres régions du monde; veiller à ce que la procédure d’octroi des visas soit transparente, équitable et non discriminatoire; et vérifier que l’application des critères dans les ambassades et consulats soit uniforme.
Meredith Terretta (Université d’Ottawa), Présidente de l’ACÉA, 2018-2019. Pour plus de renseignements contactez expres@caas-acea.org ou @MTerretta
Uwafiokun Idemudia (York University), Président de l’ACÉA, 2019-2020
Belinda Dodson, Rédactrice coordinatrice, Revue canadienne des études africaines (RCÉA)/Canadian Journal of African Studies (CJAS)