La curiosité déborde les frontières et génère les épistémologies africaines

Professeur Michael P.K. Okyerefo
Université du Ghana (Université Nelson Mandela)

Résumé :

L’hégémonie du savoir global est devenue une évidence, même dans les contextes postcoloniaux. Bien que la division du travail intellectuel qui a suivi diverses trajectoires et différentes formes de colonialisme n’ait pas été uniforme, un schéma précis s’est dégagé autour de la plus grande reconnaissance de l’érudition et de la manière dont on attribue une valeur à celle-ci. En tant que telle, la division spécifique du travail intellectuel avait des caractéristiques très bien définies, par le truchement desquelles on accorde de la valeur par exemple à Auguste Comte, un chercheur français du 19e siècle et l’un des fondateurs de la sociologie, alors que le penseur musulman Ibn Khaldun, pionnier de la réflexion sociologique au 14ème siècle est souvent relégué au second plan dans cette discipline. Le rabaissement délibéré d'Ibn Khaldun de Tunis procède des résidus des pratiques coloniaux et néocoloniaux de l'institution universitaire. Dans cette même logique ont été minorées les contributions importantes des Africains au développement de la pensée sociale chez eux comme dans la diaspora, et plus particulièrement les travaux de W.E.B. Du Bois, le parangon de la légendaire École de sociologie d’Atlanta dont la visibilité fut usurpée au profit de l’École de sociologie de Chicago. En effet, la politique du savoir qui cherche à faire du savoir un domaine réservé de l’Occident a été exacerbée par les vestiges du colonialisme avec des conséquences profondes sur notre époque. Bien que la situation change, le modèle dominant de production des connaissances continue de refléter une division mondiale très stratifiée du travail intellectuel. Conformément au thème de la conférence de l’ACEA de cette année « Penser le monde en Afrique: originalité et pratiques innovantes », mon discours principal s’appuie sur les processus de réflexion du Bakpεle du Ghana pour souligner le fait que la curiosité et la production de connaissances qui en résulte sont un art humain universellement éternel. Il est donc impératif de repenser la production du savoir mondial.


Publié le 10 mai 2019